< 01'01'09 >
Guillaume-en-Egypte souhaite à ses lecteurs une année sans vœux. Quoi de plus naturel en effet ? L’année qui s’entame est bien mal partie, côté français comme dans le reste du monde : Gaza sous les bombes, l’Inde et le Pakistan au bord du conflit, la crise économique internationale qui devrait empirer au cours de l’année, en France un taux de chômage qui s’est creusé de 3,2% en novembre et pourrait approcher les 8% à la fin juin 2009 selon l’Insee.... Et ce n’est pas notre omniprésident qui réussira à noyer le poisson avec ses traditionnels vœux de l’Elysée prononcés le 31 décembre à 20h, plus du tout en direct comme l’an passé, plus du tout ancrés dans un discours soi-disant mobilisateur (on se souvient de la « politique de civilisation » sortie de son chapeau l’an dernier).
Nicolas Sarkozy a certes promis des lendemains qui « travaillent plus ». Sauf que cette fois-ci il n’est plus question de gagner plus, plutôt d’agir « en investissant davantage, en poursuivant les réformes ». « L’Express »note que le chef de l’Etat français a prononcé neuf fois le mot « crise », et quatre fois le terme « efforts ». Un « langage de vérité » selon François Fillon et la majorité, que l’opposition a logiquement critiqué. Pourtant, côté voeux, Martine Aubry, la nouvelle chef du PS, a elle aussi causé travail : « Les socialistes travaillent, pour proposer à la France et à l’Europe un autre modèle de société qui soit moins dur, qui soit plus solidaire et surtout, qui soit plus juste. »
Bref, pas besoin de nous faire un dessin, 2009 c’est pas l’année de la teuf...
< 06'01'09 >
Donc la télévision publique sans publicité après 20h, ça a commencé lundi 5 janvier, et visiblement, selon Médiamétrie, ça a plutôt motivé les Français, qui ont été plus nombreux (3,1 millions de patates de canapé en plus), et sont venus plus tôt (pic d’audience à 20h26 contre 21h15 habituellement) inaugurer cette soirée sans pub (ou plutôt sans réclame, puisque les sponsors d’émissions continuent à diffuser leurs écrans interludes). Ceci dit, le bulletin météo n’y est pas totalement étranger…
Avant même que la loi qui décide de la suppression de la publicité (et de son calendrier) ne soit votée (elle est présentée à partir de demain mercredi au Sénat, en vue de son adoption, une formalité selon Gérard Larcher, le président du Sénat...), France Télévisions a donc basculé hier, malgré les protestations de l’opposition, des salariés du groupe et d’un bon paquet d’observateurs qui craignent le laminage de la télévision publique. Nicolas Sarkozy avait dégoupillé cette grenade sans concertation, il y a tout juste un an. En argumentant de la générosité de sa décision (la pub déformerait les contenus de qualité, poussant les producteurs audiovisuels publics à courir derrière l’audience), le président fait ainsi le plus beau des cadeaux à ses amis patrons de médias privés, TF1 et M6 en tête.
Sur son blog, Renaud Revel, journaliste médias à « l’Express » révèle la teneur du « scénario d’une télé sans pub selon le Bipe » (Bureau d’information et de prévision économique), où TF1 et M6 sont « seuls bénéficiaires à court terme » : « Entre 2009 et 2011, nous prévoyons une usure des revenus publicitaires des chaînes publiques (-15% en 2010 et -30% en 2011) », estime le Bipe, pour qui la « diminution progressive des revenus publicitaires de France Télévisions bénéficiera à 2 types de médias : les autres chaînes et Internet ».
Evidemment, les salariés de France 2 et France 3, en grève les 5 et 7 janvier, ne sautent pas de joie. Le Syndicat des producteurs indépendants, qui a lancé en novembre le site ilcasselatele.fr, vient d’ailleurs de poster un petit film sur le Net, intitulé « On vous aura prévenus » pour faire passer le message : « En interdisant la publicité sur France Télévisions sans garantir son financement et son indépendance, le pouvoir prive les écrans de films, de fictions, de magazines, de documentaires, de courts métrages, de journaux d’information libres. »
« On vous aura prévenus », par le Syndicat des producteurs indépendants :
< 13'01'09 >
« Le feu était partout, dans les maisons, les abris, les arbres. Les bombes aussi, étaient partout, et avec elles sont venus les nuages blancs. Du phosphore blanc, disent à présent les médecins, une affirmation contestée en Israël. Mais pour sûr, ce fut une nuit de terreur. Et nous étions terrifiés. Nous pensions que nous allions brûler à mort. Les bombes étaient partout. C’est que que Fadia Al Najjar, 27 ans, ne cesse de répéter. Elle est originaire de Khaza’a, (au nord-est de la bande de Gaza), et nous racontait quelle genre de nuit horrible elle et sa famillle venaient juste de traverser. » Ce témoignage (en anglais) rend compte de la nuit de bombardements intensifs de Gaza par Israël, telle que la décrit l’agence Ma’an News Agency. La première source d’informations indépendante palestinienne sur l’Internet, financée par le Danemark et les Pays-Bas (3 millions de visites par mois) a été lancée en 2005 en territoire palestinien. Un média qui, malgré la guerre à Gaza, n’appelle pas à l’insurrection contre Israël, mais témoigne de ces Palestiniens que les fumées blanches ont conduits à l’hôpital, et fait de l’information, à l’instar du directeur du Centre médical Nasser, le docteur Yousef Abu Ar-Reesh, qui dit que plus de 90 patients ont été amenés dans son centre pour des brûlures.
Alors que la guerre fait rage au sol, que la liste des victimes dépasse des sommets, avec plus de 900 morts et 4000 blessés, les communautés juives et musulmanes se déchirent partout dans le monde, et en France particulièrement. Qui a commencé, qui est responsable, qui agresse qui ? Ces questions sont malheureusement les mêmes depuis la fondation de l’Etat d’Israël en 1948. Les nations occidentales pensaient donner sa Terre promise au peuple juif qui venait de subir le pire génocide de l’Histoire. Mais les Arabes peuplant la Palestine d’alors, ne se sentant coupables en rien, ne l’ont pas entendu de cette oreille. Depuis 1948, le conflit israélo-palestinien ne connaît quasi aucun sursis.
Les présidents américains s’y sont successivement cassé les dents (et ce n’est pas notre Sarko national qui fera illusion, sauf auprès de « Newsweek »…), d’autant que la démocratie israélienne, comme le souligne Guillaume-en-Egypte, connaît des campagnes où tous les coups sont permis. Aux élections générales du 10 février, selon les sondages, Benyamin Netanyahou (Likoud, droite) pourrait revenir au pouvoir. Pierre Razoux, auteur d’un livre référence sur l’armée israélienne, interviewé sur Secret défense, le blog du journaliste spécialiste de « Libération », explique que « toute la question est de savoir qui sera son meilleur allié : Ehud Barak, ministre de la Défense, à la tête du parti travailliste, ou Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, à la tête de Kadima ? Chacun joue sa carte. Et pour la première fois, il y a deux manœuvres : l’une diplomatique (Livni) qui a précédé et qui accompagne les opérations militaires (Barak) ». Alors, ce bon vieux Clausewitz,, qui avait le premier théorisé que la guerre n’était qu’un « prolongement de la politique par d’autres moyens », aurait encore raison ? Côté palestinien aussi, la politique est de la partie : le Hamas qui a remporté les élections législatives en 2006 ne cache pas son ambition d’être l’alternative non corrompue à l’Autorité palestinienne : le mandat de Mahmoud Abbas (élu en 2005 pour quatre ans), s’achevait le 9 janvier, estime le mouvement de la résistance islamique.
Peut-on sortir de l’impasse en Palestine ? Comment faire vivre l’espoir ? De la Ma’an News Agency aux premiers déserteurs israéliens (dix soldatsont préféré la prison plutôt que de se déployer à Gaza), il existe des alternatives au manichéisme ambiant. L’internaute peut aussi s’informer directement à la source, en lisant les billets des blogueurs sur place (côté gazaoui comme égyptien ou israélien). Ou suivre le reportage multimédia d’Arte, conçu à cheval sur cette frontière sanglante, « Gaza/Sderot, la vie malgré tout », qui documente ces histoires singulières, ces vies cassées par l’histoire, si loin-si proches.
Au 18ème jour de l’offensive contre le Hamas, les combats font cependant toujours plus rage, et les blindés entrent dans la périphérie de Gaza. Tandis qu’Ehud Olmert, le Premier ministre israélien, promet « une main de fer », le Hamas répond que « Gaza ne tombera pas ». Pendant ce temps, le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit à nouveau ce mardi pour discuter de la situation (la résolution 1860 qui appelait au cessez-le-feu n’étant pas appliquée), et le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, prépare son voyage dans la région demain mercredi... Reste à espérer que la troisième offensive israélienne soit aussi la dernière, et que le président américain Barack Obama, qui entre en fonction le 20 janvier prochain, fasse réellement ce qu’il a dit dimanche, après trois semaines de silence fort commenté, soit « s’impliquer immédiatement dans le règlement du processus de paix au Proche-Orient », avec une bonne dose de « compromis » de part et d’autre de la table des négociations…
< 16'01'09 >
Patrick Mc Goohan est mort à 80 ans le 13 janvier à Los Angeles. Avec la nouvelle de sa mort, c’est toute l’atmosphère du « Prisonnier » qui nous revient en mémoire, cette série télé mythique, ses décors blancs et son angoissante irréalité, sa postérité culte (il n’y a eu que 17 épisodes de 48 minutes, mais ces 17 épisodes ont marqué les esprits au-delà de l’idée qu’on se fait d’une série télé…) et surtout, son fameux Numéro 6 : « I am not a number, I am a free man », ne cessait de crier le personnage incarné par Patrick McGoohan dans la série de 1967-1968. L’ancien agent secret britannique qui n’a jamais pu rentrer chez lui après avoir démissionné de son poste est devenu la figure emblématique de l’angoisse hypermoderne : débarqué sur cette île futuriste (blanche et lisse, la vision de la modernité de l’époque) et renommé d’autorité numéro 6, Patrick Mc Goohan passe son temps à combattre l’arbitraire, à tenter de fuire et à faire sauter tous les Numéros 2 d’épisode en épisode.
Dans cette société à l’apparente sophistication, les habitants du Village vivent tels des pions sans aucune maîtrise sur le système, vaste métaphore de notre Village global mondialisé où chacun va de l’avant sans vraiment connaître le pourquoi du comment. Un série SF qui anticipe plutôt clairement l’hypertechnologie (ils ont déjà leur mobile, des portes qui s’ouvrent toutes seules et même des cartes de crédit…) et la solitude afférente comme l’hyperconsommation (publicités invasives...) actuelles.
Kafkaïen et orwellien, « le Prisonnier » est cependant d’une modernité toute datée : les années 60 de la Guerre froide sont là (et l’ambiance étouffante de cette vie/cauchemar d’agent secret sur la touche), tout comme les prémices de la révolution peace and love (surréalisme et psychédélisme bon enfant). Le tout baignant dans une atmosphère schizo où seul Numéro 6 se rebelle contre la normalité (mais qui nous dit qu’il n’est pas victime d’hallucinations ?). Mc Goohan, né en 1928 à New York, avait d’ailleurs participé à la série grand public « Destination danger », où il a incarné l’agent secret le plus « classique » qui soit pendant 4 saisons et plus de 80 épisodes, juste avant de créer « Le Prisonnier », avec George Markstein. Il a également joué le méchant et coproduit quelques épisodes de « Columbo » et été acteur pour Don Siegel (en directeur de prison dans « l’Evadé d’Alcatraz » en 1979) ou John Sturges (« Destination Zebra, station polaire », 1968) ou, plus récemment, dans le très pénible « Braveheart » de Mel Gibson.
Le seul truc bien avec la mort de Patrick McGoohan, c’est qu’une chaîne télé a décidé de rediffuser l’intégralité de la série, ce week-end : NRJ12diffusera dans la nuit de vendredi à samedi à partir d’une heure du matin 6 épisodes (jusqu’à 6 h du matin) et ainsi de suite pendant tout le week-end. Ah et oui, autre truc bien, c’est que Guillaume, le chat pigiste de poptronics, a imaginé un joli bouquet de... numéros pour lui rendre hommage.
Mini-pop’surf hommage pour mémoire…
La première tentative de fuite de Numéro 6 :
Mais qui est Numéro 1 ?
« Le Prisonnier » a inspiré jusqu’aux Clash (ici en live en 1978), avec leur titre « Prisoner » :
< 19'01'09 >
L’avion sauvé des eaux. La carlingue de l’Airbus contraint à un amerrissage forcé sur le fleuve Hudson à New York jeudi dernier sort la tête de l’eau ce lundi. Et les premières analyses des boîtes noiresconfirment la thèse d’une collision avec des oiseaux. On peut reconnaître bien des qualités aux oiseaux, mais ils ne respectent toujours pas les couloirs aériens.
Passagers et équipage sauvés, c’est le miracle sur l’Hudson, résultat du sang-froid et de la maestria du pilote. Un événement qui a passionné les médias partout dans le monde. Images des caméras de surveillance, images en 3D du parcours de l’avion, du décollage à l’amerrissage, recomposées sur Google Earth, traces radar de l’avion (où on peut revivre façon tour de contrôle le décollage de l’A320 sur le site de l’aéroport de La Guardia en rentrant la date du 15 janvier à 15h25), images du commandant-héros, images des rescapés... Ad lib.
L’événement est tellement cinématographique (première réaction : « on dirait un film »), avec ses rebondissements, son climax, son happy end hollywoodien et son superhéros rassurant (un casting parfait, comme le souligne le journaliste Renaud Revel sur son blog) qu’en attendant de voir l’histoire portée sur grand écran, on réclame quasi en temps réel sa fictionnalisation. Comme si, en ces temps heurtés, on avait besoin aussi bien de belles histoires que de savoir qu’il y a un pilote dans l’avion.
Et sinon, ce même jeudi 16, alors que les 155 passagers de l’Airbus A320 de l’US Airways sortaient indemnes de leur amerrissage forcé, le capitaine Sarkozy tentait en France une autre manoeuvre délicate : le remaniement ministériel. Tant attendu et commenté que sa modestie fait dire aux commentateurs qu’il s’agit davantage d’un ajustement que d’un remaniement. Il n’y a guère que la nomination de Nathalie Kosciusko-Morizet à l’Economie numérique qui ait créé la surprise... Merci àGuillaume-en-Egypte de nous le rappeler.
< 21'01'09 >
Qui peut résister ? Il n’y a guère que les marchés financiers pour avoir snobé l’investiture d’Obama. Un record d’affluence pour suivre son discours, un record absolu de connexions sur les sites qui le retransmettaient : du Kenya à Paris en passant par les pays arabes, c’était mardi 20 janvier l’Obama Day.
Son investiture a été saluée et couverte par l’ensemble de la presse. Des larmes et de la joie, un moment historique d’œcuménisme démocratique. De quoi rendre notre chat Guillaume complètement chèvre ? Pas si sûr... Si l’investiture d’Obama rend réel le fameux « rêve » formulé par Martin Luther King en 1963 (à revoir ci-dessous pour mémoire), alors, alors, le chat du Cheshire qui embête « Alice au pays des merveilles » avec ses questions philosophiques et ses apparitions-disparitions peut lui aussi sortir de la fiction...
En attendant, au lendemain de cette journée historique, le président Obama s’est mis au travail. Il a commencé par téléphoner à Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne pour l’assurer qu’il voulait œuvrer en vue « d’une paix durable » au Proche-Orient, avant d’appeler, selon la Maison blanche, le Premier ministre israélien Ehud Olmert, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi de Jordanie Abdallah II. En fin d’après-midi, il a aussi réuni ses conseillers pour mettre au point les plans pour surmonter la crise économique et sortir du bourbier irakien (mais pas avant 16 mois...).
Et en guise de première décision, il n’a même pas attendu la fin des festivités pour demander (et obtenir) le gel des procédures judiciaires à Guantanamo, la base de toutes les dérives bushistes de la « lutte contre le mal ». Comment dire ? Avec Obama, pour l’instant, ça va...
I have a dream, Martin Luther King, 1963 :
A lire sur le site de l’Express, l’intégralité du discours d’investiture de Barack Obama.
< 27'01'09 >
Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics jamais avare d’une espièglerie, fête à sa manière le départ de George Bush avec un spécial quizz.
Mais que fait donc George Bush pendant le discours d’investiture de Barack Obama au Capitole, le 20 janvier dernier ?
1) Il photographie le nouveau président américain de dos, histoire d’avoir un souvenir.
2) Il envoie un message à Laura : « Barack et moi c’est du sérieux ».
3) Il triture son GPS pour vérifier sa position.
4) Il cherche le mode d’emploi de son nouvel iPhone, offert par le personnel de la Maison blanche...
5) Il change son profil Facebook, catégorie « employer ».
6) Il se prépare une retraite musclée du cerveau avec « Brain Age » de Nintendo.
Pour en avoir le cœur net, rien de mieux que d’aller zoomer au plus prèssur la photo en question, grâce à Gigapan, un procédé de panoramas au format gigapixel développé à l’université Carnegie Mellon, qui met à disposition des internautes ce site de partage d’images.
< 29'01'09 >
Depuis que notre Président a décidé de supprimer la publicité à la télévision publique, Guillaume-en-Egypte ne décolle plus de l’écran, et son état de chat lui permet de percevoir bien d’autres choses que nous autres humains : voilà donc l’autre face du discours déjà passablement scandaleux de Nicolas Sarkozy sur la grève.
En ce jour de large mobilisation (avec 190 appels à la manif, on descenddans la rue aujourd’hui pour l’emploi, les salaires, le pouvoir d’achat, la protection sociale et la défense des services publics face à la crise, hôpital en tête, et sans aucun doute contre la droite au pouvoir...), il n’est pas inutile de rappeler que le droit de grève est inscrit dans la Constitution. N’en déplaise aux libéraux de service et à ces micro-trottoirs ouverts aux usagers les plus énervés.
On se doute qu’à Saint-Lazare et en banlieue parisienne, d’aucuns subissent les contrecoups de la grève. Mais Poptronics mobilisé (entre garde d’enfants et défilé militant) s’inscrit en faux contre les propos lénifiants du chef de l’Etat, qui, sous couvert de grosse rigolade, illustrent sa conception hyper-individualiste du rapport au monde, celle du « travailler plus pour gagner plus » et du « dépasser un peu ses craintes personnelles » (dixit Eric Woerth ce matin...). La crise est certes mondiale, mais les réponses pour l’instant très couleur locale que nous assène un Sarkozy droit dans ses bottes sont tout bonnement insupportables : l’école, les transports, l’hôpital, la justice, la presse, le travail social... De motion de censure en appel des appels, la crise fait bouger les lignes. Pas trop tôt...
< 03'02'09 >
Depuis l’élection de Barack Obama, la Sarkozie vacille et le mouvement social se réveille. Nicolas Sarkozy fait tout pour ne pas avoir l’air de changer de discours sur la méthode, ni même de méthode, d’ailleurs. Après la mobilisation du 29 janvier, d’une rare ampleur (1 à 2,5 millions de personnes, n’en déplaise au gouvernement), le président français a dit avoir entendu (sur le mode du « je vous ai compris » gaullien) mais ne veut pas de relance par la consommation. Pas plus qu’il ne critique, à la différence de son homologue US, les bonus boursiers...
Il s’adressera jeudi soir aux Français à la télévision et la radio (les conférences de presse sont bannies, l’échange frontal avec les électeurs lui est en ce moment défavorable, voir le limogeage caporaliste du préfet de la Manche), avec pour objectif de désamorcer toute éventuelle flambée sociale. Le vent de critique est levé, jusqu’au « Figaro » qui souligne que, « dans son grand oral, jeudi soir, Nicolas Sarkozy devra relever le défi d’expliquer la crise aux Français et la pertinence du premier plan de relance ».
Les syndicats unis en intersyndicale (une incongruité historique en France, comme le souligne notre Guillaume-en-Egypte), maintiennent la pression. Et dénoncent la fin de non-recevoir de Fillon, qui, déclarait au « Monde », le 2 février : « Il n’y aura pas de tournant de la politique économique et sociale. »
Au charbon en ce début de semaine, Fillon et Devedjian défendent donc les 1000 mesures du fameux plan de relance (soit dix par département, expliquait Devedjian ce mardi sur France Inter). Accordons-leur au moins ce crédit, toute ressemblance avec la politique chinoise des 100 fleurs est forcément fortuite (remember : Mao Zé Dong, « que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent »). Il n’y a que les mauvais joueurs type Attac pour faire le rapprochement...
Et pendant ce temps, le premier Président noir des Etats-Unis, où l’onde de choc de la crise n’est pas amortie par l’Etat-providence (faute d’Etat-providence...), appelle à réinventer les valeurs d’unité. Et pendant ce temps, Poutine, lui, de plus en plus tsar (même s’il est passé Premier ministre, on continue de le traiter comme seul et unique numéro 1 du Russie), se repose sur les bonnes vieilles valeurs slaves : dans l’imaginaire post-soviétique, où les rêves de grandeur déchue font oublier les massacres commis au nom du communisme, Staline se maintient en grand homme... Sarkozy aussi, d’une certaine manière en appelle à la culture... « La réponse de la France à la crise économique doit être culturelle, et c’est à l’État de porter ce message », dit-il, sans rire, en mettant en place son « conseil pour la création artistique »,. Une vraie langue de bois ? Un nouveau cénacle dont Marin Karmitz sera le délégué général, et qui, on l’imagine, glosera sur l’avenir de la culture, en oubliant de critiquer l’actuel désert culturel français...
Mais qu’est-ce que la culture dans l’esprit du Président ? On préfèrerait ne pas accorder à cette question plus d’importance que cela. Sauf que. A la faveur d’une petite phrase sur le téléchargement (« Je n’ai pas été élu pour laisser voler au supermarché »), c’est toute une conception non seulement ringarde, mais dangereuse de la création qui pointe chez lui. Eculé et des plus nauséabonds, l’amalgame entre téléchargeurs et voleurs prouve une fois de plus que le petit Nicolas n’a toujours rien compris au Net -gageons que l’adoption de la loi Hadopi en mars prochain fera encore quelques remous, on y veillera...
04'03'09 >
L’« émissaire spécial » de Nicolas Sarkozy est de retour. Jack Lang, dragué par le Président qui le voyait magnifiquement compléter le tableau de chasse des socialistes ayant rejoint le gouvernement (aux côtés des Kouchner et Besson…), lui contera par le menu son voyage à Cuba, ce mercredi à 19 heures. Une mission de six jours, au cours de laquelle il devait « explorer, avec les autorités cubaines, les modalités d’une reprise du dialogue politique et de la coopération entre la France et Cuba », selon l’Elysée.
Officiellement, l’objectif visé était de pure politique internationale : il y aurait matière, estiment le socialiste Jack Lang et l’Elysée, à sortir Cuba de son isolement diplomatique (et d’un embargo qui a prouvé son inefficacité), maintenant que Barack Obama a été élu et que Fidel Castro est subclaquant. Officieusement, Sarkozy tente ainsi de griller la politesse à Obama, qui a promis un rapprochement avec le régime castriste pendant sa campagne.
Et c’est évidemment un enjeu de politique intérieure qui se joue derrière ce voyage. Lang a été mille fois pressenti comme l’un de ceux qui pourraient participer à la politique d’ouverture de Sarkozy. Mille fois, l’ancien ministre a démenti. Et se justifie sur cette mission présidentielle dans une interview au « Point » : « Martine Aubry a approuvé mon déplacement à Cuba. (…) Il est important que telle ou telle personnalité socialiste puisse participer à une action d’intérêt national sans renoncer à ses convictions. »
Bien, bien, bien, a-t-on envie de dire. Guillaume-en-Egypte ne s’y trompe guère, qui rapproche l’éternel ministre de la Culture des vieilles carcasses qui servent encore quotidiennement de moyen de transport aux Cubains… Jack Lang a beau se décerner des bons points à propos de sa longue entrevue avec Raul Castro, le frère de Fidel, et nier tout rapprochement avec la présidence UMP, le site rue89 rappelle que ce n’est pas la première fois qu’il joue les émissaires français à l’étranger pour Sarkozy (il avait été dépêché au Yémen il y a un an).
< 17'03'09 >
C’est le printemps. La bonne nouvelle, c’est le retour du soleil, la mauvaise, c’est la fin de la trêve hivernale, depuis hier 15 mars à 6h du matin. Et ce n’est pas Christine Boutin, quoi qu’elle en dise (« désormais, il n’y aura plus de personnes mises à la rue, plus d’expulsions sans une solution de remplacement », déclarait-elle jeudi dernier), qui changera quoi que ce soit. Les associations qui lui demandaient un moratoire (refusé hier par l’intéressée), manifestent leurs doutes sur la pérennité de ses mesuresde relogement. Emmaüs et la fondation Abbé Pierre ont ainsisymboliquement protesté avec une montagne de matelas place de la République à Paris, hier.
Souvenez-vous, Nicolas Sarkozy avait promis que lui Président, les SDF disparaîtraient des rues de nos cités. Total : les Enfants de Don Quichottecontinuent à faire pression (ils entamaient hier leur « tour de France des poches de mal-logement », même si les pandores les empêchent comme à l’hiver 2007 de planter leurs tentes un peu trop voyantes dans les beaux quartiers de la capitale. Et la crise internationale qu’on nous ressert à loisir pour expliquer l’incapacité à régler les problèmes sociaux commence de facto à toucher l’immobilier. A preuve, c’est avec une trop belle pour être vraie unanimité que « le Figaro Magazine », « l’Expansion » et « le Nouvel Observateur » toilettent leurs Unes immobilières de saison. « Profitez de la baisse » lancent un poil cynique le FigMag et l’Expansion, s’adressant aux nantis qui voudraient acheter, tandis que l’Obs annonce « Les vrais prix du marché ».
N’empêche, les prix peuvent bien baisser, le mètre carré s’échangeait encore au quatrième trimestre à 2.471 euros. Une somme que les sans-abris, sans-papiers et sans-emploi qui se pressent au Restos du cœur ou au DAL ne peuvent même pas imaginer pouvoir débourser un jour prochain…
Et pendant ce temps, au gouvernement, le ministre du Budget trouve tout à fait opportun, à deux jours d’une journée de mobilisation pour la défense de l’emploi et du pouvoir d’achat que soutiennent trois Français sur quatre (selon le baromètre mensuel BVA « les Echos » et France Info), d’affirmer que le bouclier fiscal est « juste » et doit être maintenu… Droit dans ses bottes malgré les critiques de moins en moins feutrées de la majorité… Ce n’est pas un hasard si le fossé béant séparant les nantis des pauvres laisse notre chat pigiste Guillaume-en-Egypte singulièrement muet…
< 30'03'09 >
Le Premier ministre François Fillon présentait ce lundi un décretinterdisant les stock-options et les attributions d’actions gratuites dans les entreprises aidées par l’Etat, et encadrant les bonus, interdits en cas « d’importants licenciements ». Une mesure qui s’inscrit dans le concert d’indignations soulevé par l’aveuglement de quelques grands patrons (Société générale, Valeo, Natixis) qui continuent à collectionner en dépit du contexte de crise parachutes dorés, dividendes et primes pharaoniques.
Ce décret à la marge des dérives du capitalisme est déjà dénoncé par le Parti socialiste comme un « alibi ne concernant que quelques rares dirigeants ». En gros, pas à la hauteur de l’indignation généralisée. Indignation bien sûr, des partis anti-capitalistes qui voient leurs prophéties se réaliser, indignation du PS qui trouve là une occasion de se racheter une conduite, indignation de la présidente du Medef qui en appelle à l’éthique des entrepreneurs, indignation du président Sarkozy qui multiplie les attaques contre les patrons voyous, indignation, forcément, de la presse qui se fait le relais de toutes ces indignations. Face à une telle unanimité, les patrons se rebiffent, refusant d’être ainsi désignés comme des boucs émissaires, des victimes expiatoires de la crise. Responsables mais pas coupables ?
Du rite sacrificiel du bouc émissaire qui trouve son origine dans le seizième chapitre du Lévitique (« le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes en un lieu aride »), le président Sarkozy a fait la substantifique moelle de sa politique, désignant successivement à l’opprobre nationale cheminots, grévistes, fonctionnaires, incivilités… jusqu’à tirer aujourd’hui contre son propre camp. Mais la stratégie du « tous contre un » sera-t-elle suffisante pour expier les fautes du système, garantir la paix sociale et faire oublier la faiblesse des réponses politiques apportées ? De quoi rendre tout le monde complètement chèvre, et le risque qu’à force de jouer sur les symboles, le peuple soit encore le dindon de la farce. Ou le pigeon, n’est-ce pas Guillaume ?
Doit-on prendre au sérieux les menaces d’un président Sarkozy campant en maître du monde ? Une nouvelle régulation financière sortira-t-elle du G20 qui se tient en ce moment à Londres ? Rien n’est moins sûr, mais le président français affirme qu’il s’agit d’un « objectif majeur et non négociable ». En soutien de dernière minute (la réconciliation franco-allemande se faisant sur le dos de la crise financière, toujours ça de pris...), Angela Merkel : « Ce qui ne sera pas décidé ici et demain ne le sera pas dans les cinq ans à venir », a déclaré la chancelière allemande au premier jour de cette réunion des 20 chefs d’Etat et de gouvernement des grands pays industrialisés.
Effet de manche ou prise de position courageuse et visionnaire ? Alors que le gros des discussions est attendue ce jeudi, les premières retombées du sommet mettent à jour une réelle fracture entre la méthode américaine et la façon de faire européenne face à la pire crise économique que le capitalisme ait connu (au moins depuis la crise de 29). Aux Etats-Unis, Barack Obama, qui n’a que deux mois de service à la tête de l’Etat (et bénéficie encore par conséquent d’un certain crédit), change radicalement le fonctionnement du capitalisme, mais sans jamais parler d’une « refondation ». Ses mots plutôt doux (la « marche en avant » pour un « retour à la prospérité ») enrobent des décisions plutôt radicales comme la taxation des plus hauts revenus et l’injection massif d’argent public dans les banques et l’automobile. En posant ses conditions (pour éviter de réitérer le scandale AIG...). En Europe, au contraire, les mots sont durs et les actes moins radicaux... Les gouvernements ont été plus réticents à relancer l’activité en mettant la main au portefeuille (on se souvient notamment de l’opposition de Merkel à tout plan européen en ce sens), l’ont tous faits cependant (suivant la Grande-Bretagne), sans exiger de contrepartie (voir les scandales afférents sur les bonus des patrons d’entreprises en semi-faillite).
L’alliance franco-allemande consiste à espérer qu’une nouvelle régulation (la refondation donc) permettra d’endiguer la crise financière. Tandis que les Etats-Unis privilégient une relance de la demande. L’enjeu de ce G20 est donc clairement historique, mais il pourrait encore accoucher d’une souris : le projet de déclaration finale évoque un engagement à réguler les grands fonds spéculatifs et à faire les efforts « nécessaires pour restaurer la croissance ». Aucun plan Marshall en vue... mais un bilan déjà sanglant : un mort parmi les manifestants anti-globalisation et quelque 86 arrestations (dont trois pour « port d’un uniforme de police », selon Scotland Yard).
< 07'04'09 >
Voilà, la France a réintégré l’Otan après des années de cavalier seul, les 3 et 4 avril, au cours d’un sommet hautement symbolique, puisque ce retour au sein de l’alliance de l’Atlantique nord coïncidait doublement avec le soixantième anniversaire de la structure de défense née après-guerre et la première virée internationale du président charismatique des Etats-Unis, Barack Obama. Et ce ne sont pas quelques manifestations houleuses qui pourront empêcher les vingt-huit grands de ce monde de fêter le renouveau de la doctrine atlantiste, sur fond de reprise en main de l’Afghanistan... Car Obama a dit vouloir partir de l’Irak, mais pas de l’Afghanistan, son pacifisme a ses limites...).
Les mauvaises langues critiquent cette grand messe diplomatique : débauche de forces de police, bouclage du centre de Strasbourg au détriment des quartiers périphériques, objets de violences spectaculaires (la police a-t-elle laissé faire les groupuscules des Black Bloc, a-t-elle provoqué les manifestants comme l’affirme Besancenot, les violencesauraient-elles pu être évitées ?)...
Et Obama achève sa tournée européenne par un séjour de deux jours en Turquie, d’où il continue à donner le « la » : l’Europe serait bien inspiréed’intégrer ce grand pays en son sein, dit-il et répète-t-il. Pourquoi une telle ingérence ? Mais c’est que la Turquie refusait le nouveau secrétaire général de l’Otan, le Danois Anders Fogh Rasmussen. Ledit Rasmussen était Premier ministre en 2005, au moment des caricatures de Mahomet... Pour calmer l’allié turc, Obama use de toute sa diplomatie... jusqu’à la leçon de choses pour dirigeants européens.
Alors, Guillaume-en-Egypte n’a pas tort d’isoler une séquence photo, passage obligé de ces grands raouts mondialisés. C’est bien une autre façon de danser qui est à l’œuvre avec cet Otan nouvelle manière. Les années Bush sont bien finies, comme les années De Gaulle (et Chirac, qu’en pense-t-il ?), la Seconde guerre mondiale paraît bien loin et pourtant, l’Otan en est l’héritière. Il s’agit bien de dépasser la simple alliance de défense (on attaque un membre, tous les membres ripostent) pour construire une force militaire (en Afghanistan d’abord) qui vienne épauler des Etats-Unis moins puissants qu’ils n’étaient. Les danseurs ont intérêt à en savoir un peu plus sur leurs capacités respectives...
< 21'04'09 >
Ségolène est-elle la mater dolorosa de la politique française ? Ses « excuses » au chef du gouvernement espagnol, une semaine seulement après ses « excuses » aux Africains (le tout pour contre-balancer les propos d’un Nicolas Sarkozy légèrement en roue libre), sont-elles si scandaleuses ? Et re-voilà le schéma de la campagne présidentielle, quand le match Ségo/Nico tournait à l’affrontement de deux icônes médiatiques : la question de fond (Sarkozy est-il à la hauteur des enjeux internationaux du moment ?) est bien plus intéressante que l’écume agitée autour de ces excuses. Résumons.
Ségolène campe la meilleure alternative à Nicolas Sarkozy pour 2012. C’est en tout cas ce qu’elle tente de faire croire avec sa stratégie de harcèlement présidentiel, malgré son échec pour prendre le PS et les peaux de banane multiples que lui glissent sous les pieds ses « amis » socialistes. Elle occupe en tout cas le terrain de l’opposition teigneuse à un Sarkozy omni-président. A l’étranger aussi, puisqu’une stature présidentielle se gagne sur ce front-là également. Elle ouvre le bal en Afrique, en présentant ses excuses pour le discours controversé de 2007 du président français et cette petite phrase, « le drame, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ».
Habile ? Pas si sûr... Une semaine plus tard, elle remet ça, et dans les mêmes termes encore, dans une lettre à Zapatero où elle demande pardon pour les « propos injurieux » de Sarkozy. C’est « Libération » qui avaitrévélé l’étendue des dégâts du déjeuner post-G20 entre le président et des parlementaires de la majorité comme de l’opposition, au cours duquel ledit Sarkozy s’est un tout petit peu lâché sur ses congénères, traitant l’un de « pas très intelligent », l’autre d’inexpérimenté et on en passe. Les médias étrangers s’en sont émus, la presse française n’a pas trop embrayé, préférant darder ses flèches sur notre madone de l’opposition...
D’accord, refaire le coup de l’excuse prête à rire, mais les propos des uns et des autres pour démentir ou expliquer les dérapages multiples de Nicolas Sarkozy ne sont-ils pas bien pires ? Ainsi de Bernard Kouchner qui explique que si Nicolas Sarkozy a bien dit de Zapatero qu’il n’était pas très intelligent, c’était qu’il voulait dire le contraire (ben oui, quoi, c’est comme ça qu’il s’exprime, Nicolas...). Ou encore de Jack Lang, autre grand ami de Ségolène, qui ne trouve rien mieux que de dire : « J’ai envie de dire à nos amis espagnols : excusez-la, pardonnez-lui ! » Sans oublier le déchaînement des proches de Nico : le nouveau patron de l’UMP Xavier Bertrand qui parle de Ségolène Royal comme d’une « spécialiste de la manipulation », Frédéric Lefebvre, le très spécial porte-parole de l’UMP, qui demande carrément une « aide psychologique » pour la dame. Un bien beau débat, ma fois, se dit Guillaume-en-Egypte au bord d’entrer en politique... Chez poptronics, on voterait volontiers pour un chat-président...
< 28'04'09 >
Censure et bêtise ont toujours fait bon ménage. On connaît les censeurs qui prennent des vessies pour des lanternes, voici venus ceux qui prennent des pipes pour des moulins à vent. Jacques Tati a cassé la sienne il y a longtemps déjà (1982), mais la mesure qui le frappe post-mortem est bien dans l’esprit de ses films. La régie pub de la Ratp, Métrobus, a remplacé la pipe de Monsieur Hulot par des ailettes de moulin sur les affiches annonçant la roborative rétrospective que consacre la Cinémathèque à l’auteur de « Playtime » (on y revient). Décision prise pour se conformer à la loi Evin qui interdit toute publicité pour le tabac.
Une mesure idiote qui n’en finit plus de faire des remous. Si la Cinémathèque s’amuse de cet « incident burlesque », la Société des réalisateurs de films (SRF) et le Syndicat de la critique de cinéma se sont fâchés tout rouge (« Cette censure sanitaire conduit à un révisionnisme insupportable touchant l’art et la culture »), la Ligue des droits de l’homme a carrément lancé une « pétition contre la censure de la pipe de Monsieur Hulot » et même la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, et le père de la loi, Claude Evin, ont dénoncé cette suppression « ridicule ». Les pouvoirs publics n’avaient pas été si large d’esprit quand la même mésaventure avait frappé la cigarette de Jean-Paul Sartre lors d’une exposition à la BNF il y a quelques années...
Et de demander du coup des aménagements à cette loi de 1991 que Métrobus suit religieusement. La régie pub de la Ratp vient en effet d’interdire une autre affiche, celle de « Coco avant Chanel », au prétexte qu’Audrey Tautou y fume une cigarette, forcément. Mais qu’est-ce qui les gêne sur l’affiche, censurée elle aussi, du film « Anges & Démons », suite du nanar mondialisé « Da Vinci Code » ? Une mention en surtitre, « Que nous cache le Vatican ? », a donné des boutons à l’afficheur - qui prend décidément tous les risques.
Plutôt que de jouer les Quichotte, Guillaume-en-Egypte, le chat-pigiste de poptronics, a trouvé la solution : mettre des moulins à vent partout. Sur Sarkozy, sur TF1 et, surtout, sur la flamme de la statue de la Liberté, toujours plus malmenée où que l’on regarde.
< 05'05'09 >
Amiral de bateau-lavoir, astronaute d’eau douce, bachi-bouzouk des Carpathes, ectoplasme de moule à gaufres, cannibale emplumé, squelette de pantoufle, traîne-potence, Vercingétorix de carnaval, zapotèque… Ah, si seulement les politiques pouvaient s’inspirer du capitaine Haddock quand il s’agit de défourailler à coups de noms d’oiseaux qui volent (bas). Mais pour le manuel des petites phrases assassines, ce serait moins inventif, plus cour de récré, « c’est çui qu’a dit qu’y est », à en croire les échanges suite à la parution, le 30 avril, du livre « Abus de pouvoir » (Plon), le pamplet anti-Sarkozy de François Bayrou.
L’autoproclamé auteur d’un « acte de résistance nécessaire », d’un « ouvrage de combat » entendait peut-être tutoyer l’Histoire et prétendre à la place de premier opposant de France, c’est d’abord avec la garde rapprochée du Président qu’il doit en découdre. Bayrou ? « Un expert en immobilisme, un ayatollah de lui-même ! » (Xavier Darcos), un « Le Pen light » (Alain Minc), « un objet politique non identifié » (Patrick Devedjian). Son livre ? « Un ouvrage rempli de haine, vide de propositions » (Xavier Bertrand, qui reconnaît ne pas l’avoir lu), « un abus de délire » (Laurent Wauquiez), « un petit livre qui n’intéresse personne » (Roger Karoutchi)...
« Il faut toujours accepter la critique (...) Si on ne veut pas de critiques, il ne faut pas être président de la République », refuse de réagir M. Sarkozy, en déplacement au Mémorial de Glières. La neige s’est craquelée, on a cru entendre un souffle sur le plateau savoyard. Avant qu’en off, le Président rajoute : « Je ne vais pas passer mon temps à répondre aux livres écrits sur moi. Il y en a plus de cent cinquante ! Je fais marcher l’édition, ça fait partie du plan de relance. » On a eu peur, on a failli y croire. Allez hop, tous en classe, la cloche a sonné.
< 13'05'09 >
La visite papale en Terre sainte éclipserait-elle l’ouverture du festival de Cannes 2009 ? Au sixième jour de sa visite au Proche-Orient, le pape Benoît XVI est sous haute surveillance médiatique. Ses rodomontades en Afrique sur le préservatif et sa décision de réintégrer des évêques intégristes l’ont placé dans une position délicate, l’obligeant à montrer patte blanche dans ce qui est aujourd’hui considéré comme un virage théologique (voire un retour en arrière traditionnaliste). Après la Jordanie et Israël, le pape a franchi mercredi matin le mur de sécurité pour se rendre en territoire palestinien, à Bethléem, Cisjordanie, où il a été accueilli par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Même s’il y prie pour la levée du blocus et confirme son soutien à la création d’un Etat palestinien, Benoît XVI a du mal à se départir d’une image cassante, limite sulfureuse. Côté israélien, l’ex-Jeunesse hitlérienne (enrôlé de force ou pas, la polémique de la semaine...) n’était pas franchement attendu tel le Messie. Même quand Benoît XVI dépose un message de paix dans le mur des Lamentations, il ne fait que suivre les traces de Jean Paul II. Et quand il prononce un discours sur la Shoah, le fait qu’il ne demande pas pardon est interprété comme un recul par rapport à son prédécesseur. Quant au vocabulaire qu’il emploie, il est hautement suspect : pour évoquer les victimes de la solution finale, il parle de juifs « tués » (plutôt qu’assassinés).
Bref, les populations musulmanes et juives doutent de sa capacité à rassembler de façon œcuménique les religions, malgré les gestes apparents de bonne volonté (planter un olivier avec Shimon Peres, déposer un message de paix dans le mur des Lamentations, enlever pour la première fois ses chaussures rouges pour pénétrer dans la mosquée du Dôme du Rocher, troisième lieu saint de l’islam à Jérusalem-est).
Même LCI focalise sur les « couacs » de sa visite, tandis que « Libération » souligne son « trop » grand silence au mémorial de la Shoah... La moisson politique du pape en Terre sainte, malgré les déclarations du Vatican, qui présentent son périple comme un pèlerinage et une visite pastorale, entre processus de paix en rade et dialogue intereligieux en recul, paraît pour l’instant étique.
Mission impossible ? Guillaume-en-Egypte, lui, a trouvé l’alternative : et si la papauté avait une responsabilité dans l’affaire (controversée) de l’oreille coupée de Van Gogh ? « Le Figaro » avait sorti les recherches de deux universitaires allemands selon lesquels, ce n’est pas Van Gogh lui-même mais Gauguin qui serait l’auteur de l’attentat au fameux appendice artistique. Et si l’oreille coupée devenait elle aussi une relique ? On voit bien que Guillaume n’a pas fait son catéchisme mais l’hypothèse, pour farfelue qu’elle soit, n’est pas totalement dénuée de sens...
< 19'05'09 >
Le gouvernement avait misé sur l’essoufflement quasi naturel du mouvement étudiant, entre vacances de Pâques étalées et examens de fin d’année qui approchent. Théoriquement, les contestataires auraient dû rentrer dans le rang. Sauf que. Ce mouvement fleuve qui englobe la colère des enseignants chercheurs et le rejet de la loi LRU sur l’autonomie des universités ne ressemble à aucun autre. Sa longueur d’abord, les formes inédites qu’il a empruntées ensuite, entre ronde infinie des obstinés, cours en plein air et autres lectures de la « Princesse de Clèves »). Et si certaines universités ont décidé de cesser le mouvement, une dizaine tient encore (la Sorbonne, Aix-Marseille, Toulon, Toulouse...).
Valérie Pécresse a donc amorcé une tentative de dialogue hier lundi, enrecevant les syndicats étudiants pour discuter de la façon d’organiser les examens (prolongation de l’année universitaire à juillet pour certaines facs, organisation des épreuves en septembre pour d’autres) et d’accompagner les étudiants (bourses prolongées d’un mois pour quelque 15.000 d’entre eux, titres de séjour renouvelés pour les étrangers). Des gestes de bonne volonté gouvernementale qui n’ont pas vraiment été pris comme tels : « Ce n’est pas avec ce qu’elle a annoncé qu’elle va créer les conditions d’une sortie de crise, dit le président de l’Unef Jean-Baptiste Prévost. Il y a encore beaucoup à faire, mais Valérie Pécresse n’en prend pas encore toute la mesure. » De même, les universitaires qui avaient signé un « Manifeste pour refonder l’Université » (publié dans « le Monde » du 15/05) n’ont pas bien pris la tentative de récup’ (toujours dans « le Monde ») de la ministre de l’Enseignement supérieur.
Bref, dans cette histoire, et même si le gouvernement a cédé sur ses projets de réformes (notamment en vidant de sa substance le fameux décret sur le statut des enseignants-chercheurs ou en s’engageant à ne pas supprimer de postes en 2010 et 2011), personne ne sort gagnant ou grandi de l’épreuve, comme le montre à sa façon Guillaume-en-Egypte.
< 26'05'09 >
Des ouvre-boîtes, des barbecues, du fumier de cheval, du vernis à ongle, des films X, la réparation d’une fuite sous un court de tennis, un pneu pour tondeuse à gazon, des croquettes « senior » (pour chien), 25 ampoules, un fauteuil de massage, une île aux canards, un bouchon de baignoire, un accordement de piano… Il ne manque que la tourniquette pour faire la vinaigrette à cet inventaire des dépenses des députés britanniques, pour rejouer la « Complainte du progrès » de Boris Vian.
Révélé le 8 mai par le « Daily Telegraph » (résultat d’une fuite aux allures de série policière), le scandale des notes de frais des 646 membres du Parlement n’en finit pas de remuer le paysage politique et médiatique outre-Manche. Travaillistes, conservateurs, libéraux, tout l’échiquier politique y passe. Le quotidien conservateur, suivi par l’ensemble de la presse, ne lâche pas son sujet et liste jour après jour les dépenses, photos à l’appui. Pointant là où ça fait mal -la mesquinerie des représentants.
En ligne, cela donne des diaporamas à l’humour « so british » : top 20 des demandes de remboursement les plus bizarres, travaux d’extérieurs repérés sur Google Earth, trombinoscope des « saints » (ceux qui n’ont pas de notes de frais), etc. Un travail de fond et un sens du détail payants pour le journal qui a vu ses ventes augmenter (93.000 exemplaires supplémentaires le premier jour, et plusieurs dizaines de milliers les jours suivants, a compté « Le Figaro »).
Le 24 mai, dans une lettre adressée à « The Observer », le magazine du « Guardian », des artistes (auteurs, comédiens et musiciens dont Damon Albarn et Brian Eno) journalistes et acteurs de la vie politique réclament un référendum sur la représentation proportionnelle, se désolant que de trop nombreux parlementaires semblent plus intéressés par leurs résidences qu’à changer le monde (« more interested in changing their homes than changing the world »).
Pendant que la presse britannique fait boire la tasse aux dérives de son Parlement (jusqu’à la démission annoncée de Michael Martin, le président de la Chambre des communes), un autre scandale éclate en France, relevé par Guillaume-en-Egypte : la non-homologation de la combinaison de compèt’ du champion national de natation Alain Bernard. On attend que des voix fortes s’élèvent. Pierre Arditi, peut-être ?
< 02'06'09 >
Il est libre Coupat, et pourtant, cette bonne nouvelle est déjà entachée. Six mois de détention pour rien, hurle Besancenot, une liberté conditionnelle des plus strictes, tout ça pour le soi-disant leader de cette « ultragauche » apparue dans le paysage politique grâce (ou à cause de) MAM, qui tenta de faire peur à la France avec ses terroristes au caténaire. De preuves, il n’en a pas été trouvé. De hauts faits d’armes, non plus. Cependant, Julien Coupat reste en examen, avec huit autres personnes, pour « direction d’une entreprise terroriste et destruction en réunion à visée terroriste ». Malgré les protestations (jusqu’à François Hollande en élu de Corrèze qui parle de « la claque de Tarnac »), malgré la libération des autres membres de la « cellule » de Tarnac, le juge a attendu la dernière limite pour remettre en liberté, jeudi dernier, Julien Coupat, 34 ans. Une farce juridique ? Plutôt un signe de plus des liaisons dangereuses entre la justice et le politique en Sarkozie.
Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics, livre sa version de cette libération. Puisque les modalités du contrôle judiciaire auquel est soumis Julien Coupat l’obligent à ne pas quitter l’Ile-de-France, à n’avoir aucun contact avec les autres prévenus du dossier et à verser une caution de 16.000 €, on n’est pas loin de la suspicion généralisée que voudrait mettre en place à l’école un autre digne représentant de la Sarkozie, Xavier Darcos. Le ministre de l’Education n’a pas trouvé mieux, pour régler définitivement le problème de la violence à l’école, que vouloir fouiller les élèves, installer des portiques, des caméras de surveillance et créer une « force mobile d’agents » pour nos chères têtes blondes.
Un bien bel exemple d’électoralisme (les européennes ne mobilisent pas ? une bonne petite polémique sécuritaire, appuyée par un sondage opportun, commandé par le ministre de l’Education soi-même, et le tour est joué). Il faut dire que depuis quelques semaines, on arrête les enfants pour un oui pour un non. Il y avait les fils de sans-papiers qu’on venait débusquer à l’école, puis les forces de police sont intervenues pour arrêter sur dénonciation un gamin de six ans, soi-disant voleur de vélo. Voilà que les gendarmes n’ont rien d’autre à faire que de venir chercher chez lui un enfant de 8 ans pour une bagarre. Mais que fait la police ?
< 05'06'09 >
Une fois n’est pas coutume, le dessin que Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics, nous a envoyé, se passe totalement de commentaires. Son esprit grinçant vient en effet à point nommé dans le concert de pleureuses qui a suivi la disparition, quelque part au-dessus de l’Atlantique, d’un Airbus A330 d’Air France, avec 228 personnes à bord. Des pleureuses qui sont tous des professionnels de l’information, totalement fascinés par l’accident. Comme quoi Paul Virilio, le philosophe de la catastrophe qui soutient que la tyrannie du temps réel nous a fait passer de l’intérêt commun à « la communauté d’émotions », a plus que jamais raison.
Une autre disparition, celle d’une gauche de gouvernement en France, occupera probablement les mêmes journaux dimanche soir, à l’issue des européennes dont on nous dit qu’elles battront des records d’abstention. Des aléas du PS, poptronics reparlera sans doute, beaucoup plus volontiers que des catastrophes aériennes...
< 17'06'09 >
La Une et neuf pages d’enquête dans « Le Parisien » d’hier mardi, une réception à l’Elysée jeudi matin avant la rédaction en chef du « Grand Journal » de Canal+ le soir. Il est partout.
Il, c’est Daniel Cohn-Bendit, phénomène des dernières européennes qui passionne les médias (on ne se risque pas à dire les Français, vu le taux d’abstention enregistré le 7 juin) et semble avoir à vie le capital sympathie de l’étudiant hilare photographié face aux CRS par Gilles Caron (Guillaume-en-Egypte lui-même...). Après Nicolas Sarkozy, Carla Bruni et Barack Obama, le voilà propulsé nouvelle icône du moment. « Dany l’écolo », « Dany le Rouge », « Dany le Vert », apocope et surnoms qui nous rendent familier celui que la presse s’empresse d’imaginer candidat à la présidentielle -la logique française de toute ambition politique...
Faut dire, la superstar a tout du bon client (et vice versa) : parler franc et franc tireur qu’on ne relie pas nécessairement aux turpitudes et aux logiques d’appareil, passé mythique, coolitude absolue, tutoiement de rigueur, bonne tête de révolutionnaire rangé des voitures, Vert dans une période où les questions environnementales font consensus, charisme indéniable, fragrance rebelle et homme de dossiers qui peut toujours parler foot quand la politique lasse…
Forcément, un tel engouement fait grincer quelques dents. Logiquement celles de « Marianne », l’hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn, lui-même candidat Modem aux européennes : « DCB à vélo, DCB raconté par ses amis, DCB avec son épouse Ingrid, son fils Bela, les femmes de DCB, les sept secrets de DCB, la maison de DCB, l’avis de Marie-France Pisier sur DCB, le regard que les Français portent sur DCB, les parents de DCB, la crèche où a travaillé DCB, la galaxie DCB (…) On frôle l’overdose. » Toujours du côté du Modem, « Cohn-Bendit est un salopard aux méthodes staliniennes », balance Christophe Madrolle, Vert passé chez Bayrou. Pauvre Cohn !
< 23'06'09 >
Il n’y a pas que les chancelleries qui aient les yeux rivés sur l’Iran ces jours derniers. Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics, ne manque rien de la crise dans laquelle le pays s’est enfoncé après l’élection présidentielle qui a vu le président sortant Mahmoud Ahmadinejad obtenir plus de 62% des voix le 12 juin dernier (élection confirmée hier). Ses réactions sont comme autant de mises à distance.
Information et désinformation, crise d’un régime absolutiste qui, voulait croire la jeunesse iranienne, était à bout de souffle : tous les ferments de la mondialisation et ses excès sont là. D’un coup de patte, Guillaume rapproche la foule des opposants à la réélection d’Ahmadinejad du manifestant devenu le symbole de Tiananmen (dont la Chine a tenté deverrouiller au début du mois le vingtième anniversaire...). Façon de prévenir : les foules révoltées ne l’emportent pas toujours, quoiqu’en disent les partisans de la démocratie...
De la même façon, quand Guillaume commente le discours devant la nation du guide suprême de la révolution islamique Khamenei, le 19 juin, c’est pour souligner la manipulation médiatique opérée... par le régime iranien : sur la télé iranienne, on croirait que seuls les hommes étaient conviés à écouter son discours. Sur Al Jazeera, en revanche, on voit pléthore de femmes, aussi vociférantes que les hommes, avec en tête les « veuves des héros » chasublées de vert. De la très bonne propagande pour le régime ? Pas du tout ! Même voilées, même obéissantes, les femmes n’ont seulement pas droit à un plan de coupe sur les deux heures d’émission. D’où l’image subliminale incrustée dans le dessin « à la Tiananmen », représentant une Iranienne, la poétesse persane Forough Farrokhzad.
Les méthodes du régime iranien n’ont rien de ragoûtant. Voire pour s’en convaincre les images de l’héroïne martyre de cette nouvelle révolution iranienne, Neda, jeune fille morte sous l’objectif d’un téléphone portable et qui, grâce à l’Internet, a fait le tour du monde.
Neda, mort d’une manifestante en Iran, reportage de CNN du 20/06 :
Et Guillaume d’enfoncer le clou de sa démonstration : oui, le régime iranien est critiquable et oui, on peut soupçonner les Américains d’en rajouter. N’empêche, le texte de Thierry Meyssan publié sur le réseau Voltaire le 17 juin, qui dénonce la « guerre psychologique » de la CIA, rappelle furieusement sa fameuse théorie du complot au moment de l’effondrement des tours le 11-Septembre (« l’Iran est un champ d’expérimentation de méthodes innovantes de subversion. La CIA s’appuie en 2009 sur une arme nouvelle : la maîtrise des téléphones portables. »). Comme si la CIA à elle seule pouvait orchestrer et manipuler à distance les milliers de manifestants, à Téhéran et ailleurs... Manipulation sans aucun doute, mais de là à penser que ce « chaos est provoqué en sous-main par la CIA »...
De fait, les Iraniens ont abondamment utilisé le service de micro-blogging Twitter (plus difficile à censurer qu’un site), les téléphones portables, lesserveurs proxy relais, pour continuer de communiquer. La presse rapporte les difficultés qu’elle rencontre pour témoigner de ce qui se passe quotidiennement en Iran. Là encore, la révolution Internet est passée par là et si les sources et la vérification des faits se trouvent compliquées du fait du black-out de l’information officielle, les trous du réseau ont néanmoins permis de continuer à voir derrière le mur de la censure.
annick rivoire |
< 29'06'09 >
C’est un raz-de-marée. La mort de Michael Jackson jeudi soir, annoncée en ligne, a mis le Web sens dessus dessous. Le « King Of Pop », plus gros vendeur de disque de tous les temps (750 millions d’albums, sans compter les innombrables version pirates qui circulent), meurt en même temps que le disque. Mais sa mort annoncerait-elle celle de la télévision ? Sur les écrans du monde entier se sont succédé stars, demi-people et politiques réagissant à chaud à cette disparition laissant fans et curieux sur leur faim. Jusqu’à Edouard Balladur ! « On a entendu, à mon goût, beaucoup trop de commentaires. J’aimerais revoir quelques moonwalks. » Pourquoi ne pas carrément t’y mettre Edouard ?
Pour voir et entendre l’idole, débattre du personnage, parfois au lance-flammes, et suivre minute par minute les tribulations du cadavre via Youtube et les sites d’info en ligne, la foule déçue de la couverture télé s’est donc ruée en ligne. Rien qu’en Europe, le trafic sur les sites d’information vendredi était de 26% supérieur à la moyenne, selon les statistiques d’Akamai. Et on a frôlé l’explosion des mastodontes du réseau : submergé de requêtes, Google a cru une attaque monstre de ses serveurs, Wikipédia a vacillé sous les demandes de modifications de la page Michael Jackson, Twitter aussi, avec un afflux de pas moins de 5.000 messages par minute (100.000 posts par heure dans la nuit de jeudi à vendredi). Facebook, Yahoo, AOL, CNN ou CBSNews.com (dont le trafic a été multiplié par cinq) ont également prié pour éviter le crash. Sans parler de MusicMe ou Deezer, où l’on peut écouter de la musique gratuitement, littéralement pris d’assaut. Plus fort encore que l’élection d’Obama !
« Bambi est mort » titrait « Libération » samedi, dans le flot de numéros spéciaux qui ont submergé les kiosques. Le héros de Disney qui a vu sa mère mourir était devenu indissociable du personnage Jackson. Accusé de pédophilie par deux fois mais jamais condamné, Michael se disait homme-enfant, plus à l’aise dans la compagnie des bambins que des adultes. Le personnage restera associé à son ranch féérique de Neverland, véritable parc d’attraction kitsch qu’il s’était offert à la fin des années 80, au temps de sa splendeur.
En parcourant le catalogue de la vente aux enchères prévue en avril dernier mais finalement annulée (1.400 objets, meubles, costumes et bijoux !), on découvre l’univers intime de la star, l’occasion d’un fascinant inventaire. Dans le parc, des statues néo-classiques et des bronzes représentant des enfants, dans le ranch, une collection d’épées, une sculpture monumentale de Cendrillon arrivant au bal dans un carrosse, mais aussi des flippers (The Simpson, Star Trek, X-Men), des bornes d’arcade (Jurassic Park, des jeux de F1 !) et des statues grandeur nature de Batman, Spiderman et Superman, voire de Dark Vador (en Lego celle-là). Sans oublier les personnages de Tex Avery, Disney (Mickey, Blanche Neige, Pinocchio et évidemment Peter Pan), les maisons de poupées, les boîtes à musique, chevaux de bois et trains électriques, ou encore des dizaines de voitures à pédales ou à moteur (on vendait aussi ses Rolls et Cadillac et même un véritable camion de pompiers).
Comme le note Guillaume-en-Egypte, le chat-pigiste de Poptronics, Michael Jackson ne sera sans doute pas dépaysé au milieu des angelots. Les ciseaux qui servent de mains à Johnny Depp dans « Edouard aux Mains d’argent » ont également échoué là, sans oublier bien sûr, les costumes de strass, les bijoux et les couronnes et toute une série de statues et tableaux kitchissimes le représentant (en roi, en armure, entouré d’enfants). Michael Jackson ne prenait manifestement pas le titre de King Of Pop à la légère.
< 08'07'09 >
Le G8 à venir et sa cohorte de problèmes (entre les fraques de Berlusconi et le changement de programme précipité du leader chinois, préférant régler la situation au Xinjiang) ont presque éclipsé la première visite officielle de Barack Obama en Russie, les 6 et 7 juillet. Au menu des discussions avec son homologue russe, Dmitri Medvedev : désarmement nucléaire, Afghanistan, Iran, Géorgie, élargissement de l’Otan, environnement… Des trucs de présidents des deux puissances mondiales, qui cumulent 90% des armes nucléaires de la planète.
Il y avait pourtant un enjeu de taille pour Obama : le réchauffement des relations avec la Russie. Même si, rappelle « Slate », le temps de la guerre froide est loin. Oublié ce précédent du « jeune président américain sans expérience internationale, John Kennedy », quand il« rencontrait, en 1961 à Vienne, un Nikita Khrouchtchev qui lui expliquait : “tout ce qui est à nous est à nous ; tout ce qui est à vous est négociable.” » De l’aveu de Barack Obama, les relations russo-américaines « laissaient à désirer ces dernières années ». Entre Vladimir Poutine et George W. Bush, c’est peu de dire que le courant passait mal, la guerre russo-géorgienne d’août 2008 et le renforcement du bouclier antimissile en Europe étant passés par là. Devant l’Ecole russe d’économie (la New Economic School en version internationale, qui forme une partie des futures élites russes, le président américain, plus « qu’un nouveau départ », a souhaité, « un effort soutenu entre les peuples américain et russe pour identifier les intérêts communs, étendre le dialogue et la coopération et paver la voie du progrès ».
Hillary Clinton en mars parlait d’un redémarrage (« reset ») des relations russo-américaines. Pourtant, « qu’est-ce qui se passe quand on redémarre un ordinateur ? L’écran devient noir et, quelques secondes plus tard, il affiche exactement la même chose qu’auparavant », doutait avant le voyage un spécialiste russe dans « Courrier international ». Pas d’enthousiasme démesuré ni d’Obamania côté russe : « Le Monde » note une réjouissance sobre de la presse et une relative indifférence de l’opinion.
Bref, malgré la signature d’un accord préalable de désarmement nucléaireet l’annonce de la reprise de discussions pour un nouveau traité remplaçant START, le réchauffement s’est fait à tout petit feu. Guillaume-en-Egypte, pas chien, a imaginé les rafraîchissements qui vont avec.
< 11'12'08 >
Ainsi donc, Nicolas s’est fait taper sur les doigts. Un an après tout le monde (Gordon Brown, Angela Merkel...), notre Président a finalementrencontré le dalaï-lama... en Pologne. Mais pour faire bonne mesure, tout s’est passé en cinq minutes entre deux portes, le temps d’enfiler une khatag blanche vite fait bien fait et d’effleurer la main du saint ( ?) homme. Mais toutes ces précautions n’ont pas suffi : c’est encore trop pour les Chinois, qui menacent une nouvelle fois la France de représailles économiques. Et Sarkozy d’envoyer Kouchner s’expliquer pour la énième fois dans les médias. Ce n’est plus un feuilleton, c’est un sketch...
Alors, pourquoi ne pas expédier Jean-Luc Mélenchon, désormais en rupture de ban du PS, à Pékin comme le suggère Guillaume-en-Egypte, le chat-pigiste de poptronics ? On n’en sait pas beaucoup sur le Parti de gauche (le PDG, ça ne s’invente pas, réécrit PG pour éviter la confuse...),dont le sénateur parle plutôt bien, sinon qu’il aimerait bien en faire un vrai aiguillon à la manière de Die Linke (La Gauche) en Allemagne. Mais l’ancien trotskiste (branche OCI, celle des lambertistes et de Jospin) est connu pour soutenir les Chinois notamment contre les pro-Tibet. Il y a au moins un Français qui échappera à un petit séjour de rééducation dans le beau pays de Hu Jintao.
< 22'07'09 >
Vivement les vacances au Parti socialiste... Martine Aubry pensait ressouder ses troupes grâce à la bonne vieille technique du bouc émissaire, mais l’échange épistolaire musclé avec Manuel Valls n’a fait qu’envenimer l’ambiance déjà passablement pourrie. Ce week-end, la charge est venue de BHL, qui flingue le PS, cette « maison morte » qu’il faut liquider pour réinventer la gauche. Dans la même veine, Julien Dray avait commis un billet assassin pour la première secrétaire du PS sur son blog, titré « à en pleurer », tandis qu’Arnaud Montebourg versait dans la métaphore médicale lundi (le PS est « tombé dans le formol ») et que l’éternel Jack Lang usait, lui, de l’image botanique en parlant du parti socialiste comme d’un « arbre sec ».
Tout ça pour quoi ? Manuel Valls, qui décidément a très envie d’être candidat en 2012, ne lâche visiblement pas l’affaire. Dans une tribune au « Financial Times » lundi (histoire d’élever le débat hors de nos frontières ?), lui aussi use de la métaphore médicale : le PS est « en danger de mort », ou, in english dans le texte, « France’s Socialist party must change or die ». Le député frondeur défend une « nouvelle doctrine », moins « pompeuse », plus proche de « l’utopie relative d’Albert Camus ».
Le débat devient intéressant ? On parle enfin du fond pour endiguer la désaffection des citoyens pour un parti truffé de candidats à la présidentielle ? Pas au goût du groupe socialiste à l’Assemblée, qui uni comme un seul homme ou presque (Manuel Valls et Arnaud Montebourg étaient absents de la réunion mardi), clame : « Maintenant ça suffit ». Les socialistes, rappellent-ils, sont de « tous les combats » (Hadopi, le travail dominical, la privatisation de la Poste, les fermetures d’usine…) et le groupe PS ne « cautionnera pas dans son camp l’hallali du matin et les torpillages du soir ». Bien, bien, bien...
Retour à l’ordre, suite, avec les caciques : Ségolène Royal réclame qu’on bosse en silence, Jean-Louis Bianco appelle au calme, Jean-Marc Ayraultégalement. Les médias s’en délectent. Jusqu’au « Monde » qui organisait ce matin un chat avec Pierre Moscovici intitulé « Le PS peut-il disparaître ? » Métaphore pour métaphore, le contrat mafieux deGuillaume-en-Egypte a le mérite d’un certain réalisme. En attendant septembre, quand Martine Aubry tranchera sur le « cas Valls ».
< 28'07'09 >
Alors oui, tous les regards sont tournés vers notre président, sa santé, ses vapeurs, ses footings, son âge et son incapacité à en faire moins, etc. C’est peu de dire que le malaise sarkozien aura éclipsé toute autre forme d’actualité ce week-end. Mais Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics, lui, a trouvé un autre fait d’actualité autrement signifiant.
S’il moque gentiment (ci-contre) le « malaise lipothymique d’effort soutenu par grande chaleur et sans perte de connaissance, dans un contexte de fatigue liée à une charge de travail importante » (le diagnostic officiel), c’est pour mieux se démarquer de l’emballement ambiant. Comme le souligne Christian Salmon, l’auteur de « Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits » (La Découverte, 2008) dans une interview au « Monde », « notre vie politico-médiatique ressemble de plus en plus à un feuilleton à épisodes, avec suspense et coup de théâtre ».
Guillaume relève une autre forme de distorsion médiatique à propos de l’arrestation musclée d’un professeur d’université noir aux Etats-Unis, et de la polémique qui s’en est suivie. Alors que notre hyper-président orchestre sa sortie d’hôpital debout, main dans la main avec Carla, bref, participe de l’emballement, de l’autre côté de l’Atlantique, Barack Obama, lui, désamorce avec élégance et en seulement deux jours le soi-disantréveil de la question raciale aux Etats-unis (comme si l’élection du premier Président noir et blanc de l’histoire des Etats-Unis suffisait à régler ladite question...).
Mercredi dernier, donc, Obama avait réagi vivement à l’arrestation le 16 juillet du professeur Henry Louis Gates Jr. de l’université d’Harvard : « La police de Cambridge a agi de manière stupide en arrêtant une personne tout en ayant les preuves qu’elle était bien propriétaire de cette maison et, enfin, nous savons tous que, dans ce pays, les forces de l’ordre sont plus enclines à arrêter les Afro-Américains et les Latinos. » Aussitôt, la machine s’emballe. Police, presse et télés lui tombent dessus. Vendredi, en conférence de presse, Obama reconnaît avoir été plus vite que la musique, en l’occurrence les faits (selon le rapport du sergent, le prof qui rentrait de vacances s’était introduit chez lui en forçant la serrure).
Le président américain dit avoir téléphoné personnellement au sergent blanc. Le prof noir, le sergent blanc et le président métis en parleront prochainement autour d’une bière à la Maison blanche, promet-il. Puis il indique aux journalistes que la tornade médiatique doit cesser, avec un humour visiblement apprécié par les journalistes présents. En France, la presse n’a retenu que le faux pas, le « mea culpa » et la « polémique »...
< 04'09'09 >
Jusqu’au « Figaro » qui félicite les socialistes d’avoir « enfin décidé de briser cette spirale infernale qui les voyaient tomber chaque semaine un peu plus bas ». La rentrée, c’est au Parti socialiste qu’on la doit le week-end dernier, avant les écoliers cette semaine et, ce week-end, lesuniversités d’été du Modem et de l’UMP.
A la Rochelle, divine surprise : Martine Aubry, la première secrétaire qu’on croyait débordée, dépassée, incapable de faire consensus et de mener la rénovation socialiste à bien, a réussi à faire taire les Cassandre de sa propre formation politique. Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics, a suivi pas à pas cette petite révolution (et accessoirement fait sa pop’rentrée en fanfare, avec pas moins de quatre dessins).
Alors qu’ouvrait l’université d’été du PS à La Rochelle, rien ne laissait préfigurer en effet une issue positive : Aubry se trouvait comme encerclée par une armée d’arbitres, les Peillon, Montebourg, Royal, Besancenot et Buffet, tous enclins à chercher des pous dans la tête d’un parti au nom obsolète pour les uns, aux méthodes archaïques pour les autres. Martine Aubry prit alors la parole, dans une ambiance « formidable » dit-elle, pour défendre l’idée de « primaires ouvertes à gauche » pour désigner le candidat à l’élection présidentielle. Malgré la présence à la Rochelle de la Verte Cécile Duflot, les réactions à gauche n’ont été ni vraiment tendres ni enthousiastes. Jean-Luc Mélanchon (Parti de gauche) refuse tout net, en brandissant sa propre « union de toute la gauche de la gauche », Marie-George Buffet (PC) estime que « la question n’est pas là », même si elle a entretemps accepté de rencontrer Martine Aubry).
La vision idyllique d’une première secrétaire du PS reconstruisant la « maison commune de la gauche » a-t-elle une chance d’aboutir ?Guillaume, dubitatif, rappelle à tous les oublieux que la première union de la gauche, en 1997, rapprochait déjà le PS et le PC. Et que, pour élargir le cercle, certains (en l’occurrence Vincent Peillon, qui soutient l’alliance PS-Modem-Verts) pourraient être tentés par des alliances « surnaturelles ». Bref, entre une Ségolène Royal toujours en mode solo (en taclant la taxe carbone et en organisant sa fête de la Fraternité à Montpellier le 19 septembre) et la gauche du parti, Martine Aubry a peut-être réussi sa rentrée, mais doit maintenant travailler ferme pour assurer le succès de sa consultation militante du 1er octobre prochain.
< 14'09'09 >
C’est l’immense non-dit de la présidentielle qui éclate au grand jour, un an après l’élection du premier président noir américain. L’Amérique raciste et réactionnaire ne prend plus de gants et le dit haut et fort : un noir ne peut/ne sait/ne doit pas diriger la première puissance mondiale. La semaine dernière a été celle de toutes les turbulences pour Barack Obama, attaqué sur deux fronts, la réforme du système de santé et son discours aux écoliers. Jusqu’à la manifestation de dizaines de milliers d’opposants samedi à Washington DC et l’inédite intervention à la chambre des représentants du Républicain Joe Wilson, mercredi, qui a crié « You lie ! » (« Mensonges ! ») pendant le discours du Président au Congrès. Une accusation que même Bush n’avait jamais entendue siffler à ses oreilles quand il alignait les boniments sur « les armes de destruction massive » irakiennes. Tout ça parce que le président démocrate entend mettre en place un embryon de Sécurité sociale... Dénoncé comme rouge, le « socialiste » Obama se voit accuser de faire basculer les Etats-Unis dans l’« obamunisme » (Youtube et consorts regorgent de vidéos nauséabondes l’associant à Staline, Castro ou Chavez).
Rebelote vendredi, où son discours à tous les enfants scolarisés a été dénoncé... comme « fasciste » -une vieille antienne des anti-Obama. Obama rouge et brun à la fois : qui eût cru que les hitléro-trotskystes chers aux staliniens renaîtraient un jour aux Etats-Unis ? Jim Greer, chef de file des républicains texans, s’est fait encore plus violent : « En tant que père de quatre enfants, je suis proprement scandalisé que l’argent du contribuable soit utilisé pour diffuser l’idéologie socialiste d’Obama. Les démocrates n’ont aucun problème à aller contre la volonté de la majorité des Américains et à se placer au-dessus des droits des parents en envoyer le joueur de flûte Obama dans les salles de classes américaines. » Rappelons que dans le conte, le joueur de flûte mène les enfants à la mort au son de son instrument... Il n’en fallait pas plus à Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics, pour rebondir sur le sujet (on le sait assez obamaniaque...).
Point d’orgue de cette rude semaine, la manifestation qui a rassemblé plusieurs dizaines de milliers d’opposants au président démocrate, samedi à Washington. Organisée par le mouvement ultralibéral Freedomworks, elle a sans surprise vu se multiplier les pancartes aux remugles fascisants, associant Obama à Hitler ou le représentant en Joker avec le sourire de « l’homme qui rit » (une bouche élargie par la lame d’un couteau).
Face à un tel déchaînement, les Républicains, John McCain en tête, ont compris que les trouvailles de leurs extrémistes risquaient de les desservir. Joe Wilson et Jim Greer se sont faits désavouer, le premier finissant par présenter ses excuses à la Maison blanche mais pas au Congrès. Réaction d’Obama, égal à lui-même : « We all make mistakes. » (nous faisons tous des erreurs). Car le président américain tient bon. Hier encore, sur CBS, il a bluffé les commentateurs en ne se montrant pas dupe des difficultés qu’il traverse, avant de s’exprimer aujourd’hui sur la crise : « Les Républicains croient pouvoir rééditer leur tactique de 1993-1994. Un jeune président est élu et tente une réforme de l’assurance santé américaine, qu’ils descendent en flamme, avant d’utiliser cette victoire pour regagner la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat suivantes. C’est le plan qu’ils sont en train de dépoussiérer. » Sauf qu’Obama n’est pas Clinton : lui est noir, ce qui, pour la droite extrême, autorise tous les débordements.
L’affaire Clearstream et ses rebonds politiques nauséabonds occupent ledevant de l’actualité, le président Sarkozy s’étant (encore) distingué par un lapsus non seulement révélateur mais surtout extrêmement dangereux(« coupable » a-t-il dit pour parler des prévenus du procès qui a débuté la semaine dernière). Le duel du duo de la droite jacobine française, Villepin v/s Sarkozy, le grand contre le petit, la rivalité/haine qui transforme le procès Clearstream en vaudeville politico-médiatique (comme le souligneGuillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics), finirait par cacher l’étendue du scandale politico-financier révélé par l’affaire des faux listings Clearstream. Ou plutôt, devrait-on dire, les affaires, ce qui se joue devant le tribunal n’étant que la partie la plus anecdotique du scandale financier Clearstream.
Les Français comprendront-ils, au fil de ce feuilleton judiciaire, les dessous de l’affaire ? La justice parviendra-t-elle à démêler les responsabilités ? En ces temps de soi-disant remise au pas des paradis fiscaux et de moralisation du capitalisme financier (cf les « bons » résultats du G20...), on aurait tort de réduire Clearstream à ce seul affrontement, quand bien d’autres questions sont encore pendantes.
Il est un des protagonistes de ce feuilleton, sans doute même l’un des rouages essentiels dans les révélations sur la chambre de compensation luxembourgeoise, accusée (avant les faux listings) d’être l’une des plate-formes de dissimulation de transactions financières mondiales. Son parcours est également représentatif d’une certaine crise de la presse en France : le journaliste d’investigation Denis Robert est celui par qui tout est arrivé. Depuis 2001 (date de sortie de son livre « Révélation$ »), il est sous le feu de procès à répétition (selon Wikipédia, pas moins de 31 procès en diffamation). L’ancien journaliste de « Libération », aujourd’hui indépendant (entendez qu’aucune rédaction en France ne prend le risque financier de l’avoir en son sein), est à l’époque seul contre tous, etnéanmoins soutenu à force de pétitions et d’indignation citoyenne.
Ce qu’il raconte très bien dans la BD qu’il a co-écrite avec Laurent Astier et Yan Lindingre, « L’affaire des affaires » (le tome 1 est paru au printemps aux éditions Dargaud). Et ce qui ressort également à la perfection dans les toiles qu’il s’est mis en tête de réaliser, et qui sontexposées à la galerie W, à Paris. Des toiles qui prennent la matière journalistique et médiatique comme un point de départ pictural, comme un instrument à modeler, comme du pop-art financiarisé ou du média-art sans dimension techno.
Denis Robert, à propos de son exposition Junk (réal galerie W) :
< 07'10'09 >
Noir et rouge. Aux yeux de ses adversaires les plus violents, Barack Obama cumule les deux couleurs honnies par l’Amérique de la suprématie blanche. Et Guillaume-en-Egypte ne décolère pas de tant de bêtise. Deux semaines après avoir dénoncé le racisme des manifestants opposés à la réforme de la sécurité sociale, le chat pigiste de poptronics enfonce le clou et poptronics avec, en allant voir de plus près cette Amérique intolérante. Car si elle a fait état de ce lynchage symbolique, la presse française n’en a guère montré les images. Comme elles sont de l’espèce dont on dit « il faut le voir pour le croire », nous vous invitons à les voir.
Dans les cortèges anti-Obama :
« Le discours d’Obama à ses camarades anthropoïdes des Nations Unies… » – ainsi commence un commentaire dudit discours sur le site Moonbattery. Le thème du singe (et de la banane, folklore qui n’est que trop familier aux footballeurs d’origine africaine) fleurit en ce moment dans la campagne anti-Obama. Double racisme ; antinoir et antisinge. Quiconque a connu l’époque du Maccarthysme aux Etats-Unis pouvait penser que cette page affligeante avait été tournée en même temps que l’hystérie de la Guerre froide. Aujourd’hui c’est pire, et en accréditant l’idée que pour s’opposer au projet de sécurité sociale tous les coups sont permis, les Républicains ont pris une lourde responsabilité. Parce qu’à l’abri de cette posture d’opposition radicale, ce sont tous les démons qui sont lâchés, et avant de gloser sur la chute de popularité d’Obama, il serait bon de prendre la mesure du tsunami de bêtise auquel il doit faire face. D’autant qu’une étude publiée en début d’année, le Southern Poverty Law Center (SPLC) fait état d’une recrudescence des groupes racistes, xénophobes ou hostiles aux minorités actifs aux Etats-Unis : 926 en 2008, en hausse de 56% par rapport à 2000, année de la première élection de Bush Jr (602 recensés). L’élection d’Obama a « enflammé les racistes extrémistes qui (la) voient comme un signe supplémentaire que leur pays est assiégé par les non-Blancs », souligne la revue de cette ONG, qui rappelle que pendant la campagne, le futur président a reçu « le plus grand nombre de menaces de l’histoire pour un candidat à la présidentielle ».
« Obama le singe » :
Les racistes donc, tout heureux de trouver un prétexte à ressortir des injures et des amalgames qu’on n’osait plus guère arborer. Les droitiers qui se désespéraient de ne plus trouver personne à qui attacher l‘étiquette commode de « communiste », et qui se rattrapent en brandissant des portraits d’Obama en Staline, en Marx, en Che, en Fidel, en Kim Il-sung et pour faite bonne mesure… en Hitler (car comme le remarque finement un exégète : dans national-socialisme il y a « socialisme »…) « Obama est un “radical communist” et son but est de détruire les Etats-Unis », assène sans rire le Républicain Alan Keyes, lui-même Afro-américain, qui n’a visiblement pas pardonné à son rival démocrate de l’avoir emporté aux élections sénatoriales de l’Illinois, en 2004.
Il y a aussi tous ceux qui sont viscéralement opposés à la moindre intervention du gouvernement dans le champ social, tous ceux qui, relativement protégés par le système actuel, ont une peur bleue de tout changement, tous ceux pour qui Obama est l’Antéchrist, ceux qui croient qu’il est musulman et qu’au Sénat il a prêté serment sur le Coran, plus les militants de l’anti-avortement, plus tous ceux qui ne comprennent rien à rien, ça finit par faire beaucoup de monde. Dans cette bouillie, difficile de choisir l’Oscar du plus horrifique. Un sérieux candidat tout de même ; le « pasteur » Steven Anderson, qui met sa haine d’Obama sous la protection de Dieu, prié de faire en sorte qu’il meure « en fondant comme un escargot ». Les anglophones qui douteraient de ce délire regarderont avec profit ce petit sujet de CNN.
« Obama le rouge » :
Fort heureusement, un petit village gaulois a su résister à ces légions yankees qui font d’Obama un communiste endurci. C’est le blog de la cellule PCF du 7e arrondissement de Lyon. A travers une vision du monde qui ne manque ni de cohérence, puisque sa seule et unique clef est l’anticommunisme, ni de prise de distance, puisque Staline est mis lui-même au banc des accusés, on apprend que toute l’histoire contemporaine se réduit à trois « complots » Le complot hitlérien. Le complot stalinien. Et… le complot Obama, personnage inventé par les réacs de tous les pays pour faire triompher l’anticommunisme. Ainsi l’équilibre est rétabli, et si ce n’est plus celui de la terreur comme pendant la Guerre froide, nous laissons aux internautes le soin de lui trouver un nom.
< 26'10'09 >
Le fils du chef attendra sa couronne. Jean Sarkozy a donc renoncé à se présenter à la tête de l’Epad, (Etablissement public d’aménagement de la Défense) en fin de semaine. Il l’a annoncé à la télévision, avec le ton et les mots de son père, le cheveu court et les lunettes rassurantes après deux semaines de polémique où le web a été en première ligne. A tel point quelemonde.fr s’interroge sur « la première victoire de l’e-démocratie » .
Des « jeansarkozypartout » de Twitter aux groupes anti-Sarkozy de Facebook, les réseaux sociaux ont effectivement été à la pointe pour dénoncer le « népotisme » du président Sarkozy quand une plus classique pétition, lancée par un élu du Modem, recueillait en un temps record près de 93000 signatures. Sans parler de l’activisme de BananaRépublique, quia multiplié les flashmobs pour « célébrer dignement l’entrée de notre pays dans la farandole des régimes bananiers ; ces pays où les dauphins succèdent au père, où la naissance et le pouvoir de l’argent font tout… »
Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de Poptronics, a beau être en partance pour le Brésil, pour faire le beau dans un magazine affiche tout ce qu’il y a d’exceptionnel, n’en a pas moins l’œil sur les frasques de la Sarkozye. Et rappelle d’un coup de patte qu’en voulant installer son fils sous les ors de la République, Nicolas Sarkozy n’a fait que suivre une très vilaine tradition de promotion des « fils de... ». Le cas le plus emblématique étant celui de Jean-Christophe Mitterrand, qui a longtemps dirigé la cellule africaine de l’Elysée et y a gagné un surnom qui parle de lui-même : « Papamadit » – et des poursuites dans l’affaire de ventes d’armes illégales à l’Angola. Lepost.fr s’est amusé à recenser tous ces enfants qui profitent des réseaux de leurs puissants de parents et la (longue) liste est édifiante, des enfants Giscard et de Gaulle aux fistons Bachelot ou Guéant.
Jean Sarkozy n’a pas tout perdu dans l’affaire : le conseiller général des Hauts-de-Seine a malgré tout intégré le conseil d’administration de l’Epad. Ce qui n’est déjà pas si mal pour un garçon de 23 ans scotché en deuxième année de droit (il la triple, bénéficiant là encore de sérieux privilèges comme le révèle Rue89). La dynastie Sarkozy, dont les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon analysent finement les ressorts dans « Libération », n’en est qu’à ses débuts : le petit Louis S. n’est qu’en cinquième...
< 27'10'09 >
Il est triste Guillaume-en-Egypte, il vient de perdre son ami Rémo Forlani, disparu dimanche à 82 ans. Un personnage comme on n’en fait plus, qui avait fait partie après-guerre (avec Chris Marker, André Bazin, Alain Resnais…) de l’association Travail et culture, engagée dans l’éducation populaire, avant de débuter à « Pilote » comme scénariste de « P’tit Pat » et de se faire fait un nom ou plutôt une voix, rauque et habillée des excès de la vie, comme critique de cinéma sur RTL.
Critique féroce sur une radio populaire, qu’il marquera de ses sentences et fulgurances pendant cinquante-cinq ans (on peut le réécouter sur le site de la station), mais aussi scénariste pour cinéastes cérébraux ( « Toute la mémoire du monde » d’Alain Resnais en 1956 ou « L’amour c’est gai, l’amour c’est triste » de Jean-Daniel Pollet en 1968), bédéphile (il a travaillé aux premières adaptations de Tintin au cinéma dans les années soixante), parolier pour Nicoletta, écrivain (vingt-cinq livres au total), à la fois cinéaste populaire (un unique film, « Juliette et Juliette » en 1974, avec Annie Girardot et Pierre Richard) et proche de Jean-Luc Godard, pour qui il avait rédigé le premier scénario pour « Pierrot le fou » et qui lui a offert des apparitions marquantes dans « Made In USA » ou « Eloge de l’amour ».
Mais ce qui rend le chat pigiste de Poptronics encore plus triste, c’est que son copain humain Forlani, cet homme à plusieurs vies comme un chat, savait comprendre les félins, qui l’entouraient et dont il parlait bien (ses ouvrages « Ma chatte, mon amour », « Ma chatte, ma folie », « Tous les chats ne sont pas en peluche »...). Réagissant à sa disparition, Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes, a eu ces jolis mots : « Il avait fini par ressembler à ses chats : un léger coup de griffe, un frottement affectueux et confiant. » Sous les projecteurs au Brésil à l’occasion d’un pop’lab exceptionnel, Guillaume-en-Egypte, face à son portrait signé Rémo Forlani, doit avoir grand besoin de caresses.
< 05'11'09 >
Claude Lévi-Strauss est mort en toute discrétion. Le décès de l’anthropologue le plus célèbre du XXe siècle a été tenu secret près de trois jours, mais ça n’a pas empéché la pluie d’hommages dédiés à l’auteur de « Tristes tropiques », le père du structuralisme et l’« exceptionnel passeur ».
Guillaume-en-Egypte, fraîchement rentré du Brésil, y va de sa touche toute personnelle : pas étonnant qu’il retienne de cet archétype de l’intellectuel français un amoureux des chats...
Une semaine que ça dure... En demandant un devoir de réserve à Marie NDiaye, qui avait violemment attaqué la France de Sarkozy dans une interview aux « Inrockuptibles », le député Eric Raoult s’est une fois de plus pris les pieds dans le tapis. Et la polémique enfle encore avec, hier, la parution dans « le Monde » d’une pétition de soutien à Marie NDiaye,déjà signée par 80 écrivains. Décidément, dès que les sarkozystes se mêlent de liberté d’expression des artistes, ils se brûlent les doigts (voir les poursuites contre les rappeurs de La Rumeur pour « diffamation publique envers la police nationale » et, plus près de nous, l’« affaire Orelsan » ou le feuilleton Hadopi).
Le bon soldat Eric Raoult s’est donc piqué de faire la leçon à Marie NDiaye, tout récemment goncourisée pour « Trois Femmes puissantes »après ses déclarations fin août aux « Inrocks » sur la France de Sarkozy : « Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (son compagnon, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d’être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. »
Réaction outrée du député-maire du Raincy mardi dernier qui, dans une question écrite, « attire l’attention du ministre de la Culture sur le devoir de réserve, dû aux lauréats du prix Goncourt ». Et propose carrément d’encadrer la liberté d’expression et d’opinion : « Ces propos d’une rare violence, sont peu respectueux voire insultants, écrit-il, ajoutant « le droit d’expression, ne peut pas devenir un droit à l’insulte ou au règlement de compte personnel. Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d’un certain respect à l’égard de nos institutions. » Avec le doigt sur la couture du pantalon.
Evidemment, ces propos ont provoqué une bronca chez les politiques et fait s’étrangler la Société des gens de lettres, qui dénonce l’« l’absurdité de cette exigence et de l’ignorance dont elle témoigne » et remarque surtout que « c’est, à notre connaissance, la première fois depuis des décennies, qu’un homme politique élu réclame publiquement la restriction de la liberté d’expression des créateurs ». Les temps changent : nous vivons désormais dans la France de la rupture… Cette sortie n’a en tout cas pas défrisé Frédéric Mitterrand, qui s’en lave courageusement les mains dans « Libération » et a fait passer la question du député à la trappe pour éviter d’y répondre.
Sûr que s’il avait eu le prix Goncourt, comme le remarque un brin facétieux Guillaume-en Egypte, le chat pigiste de poptronics, Céline se serait appliqué ce « devoir de réserve » et aurait modéré l’antisémitisme de ses pamphlets (interdits mais en circulation sur la toile et chez certains bouquinistes). Et Eric Raoult dans tout ça ? Connu pour ses prises de positions droitières sinon extrême droitières (il fut un adepte de la main tendue au Front national à la fin des années 80, comme le rappelle Rue 89, et compte parmi le groupe de députés qui réclament le rétablissement de la peine de mort), il ne désarme pas. Il en rajoutait encore une couche ce week-end dans « le Monde » : « Même Yannick Noah et Lilian Thuram n’en ont pas fait autant qu’elle. » Les sportifs sont décidément plus contrôlables que les écrivains. Pas besoin de sortir son revolver.
L’épisode avait choqué en son temps : le 18 août 2008, pris dans une violente embuscade dans la vallée d’Uzbin, dix parachutistes français tombaient sous les balles des taliban, vingt et un étaient blessés, les plus fortes pertes militaire depuis l’attentat du Drakkar à Beyrouth en 1983. Après sept ans d’un engagement peu meurtrier (14 morts entre 2001 et 2007), la France redécouvrait qu’une guerre fait aussi des morts chez les militaires suréquipés de la coalition internationale engagée en Afghanistan…
Les photos parues dans « Paris-Match » montrant des taliban endossant les treillis tricolores avaient achevé de choquer les commentateurs sans pour autant déclencher un véritable débat sur la participation française à cette guerre menée dans une rare opacité : impossible de connaître précisément les crédits qui lui sont alloués, pas de débat au Parlement, cas unique dans les pays engagés, quant à consulter la population…
Le scandale est venu d’où on ne l’attendait pas : des familles des militaires tués, qui cherchent les responsables du fiasco de cette mission dans la hiérarchie kaki. Six nouvelles plaintes viennent d’être déposées (il y en a huit au total) pour « mise en danger de la vie d’autrui » devant le Tribunal aux armées de Paris, le père d’un des soldats déclarant : « L’état-major des armées a des comptes à rendre. » L’affaire fait évidemment grand bruit dans les cénacles de la Défense (voir par exemple « Secret défense », le blog bien informé du journaliste de « Libération » Jean-Dominique Merchet, qui multiplie les posts sur le sujet) : la fameuse doctrine du « zéro mort » (« zero-casuality warfare ») professée par l’armée américaine depuis vingt ans se retourne contre les va-t-en-guerre.
Guillaume-en-Egypte, le chat-pigiste de poptronics, qui connaît son histoire du cynisme militaire sur le bout des pattes, extrapole : risque-t-on d’indemniser les familles de tous les soldats fauchés à cause des erreurs stratégiques et des désirs de grandeur de leurs chefs ? Laissons le dernier mot sur ce « système zéro mort » à Jean Baudrillard, qui écrivait dans « L’Esprit du terrorisme », paru dans « le Monde » du 3 novembre 2001 : « L’événement fondamental, c’est que les terroristes ont cessé de se suicider en pure perte, c’est qu’ils mettent en jeu leur propre mort de façon offensive et efficace, selon une intuition stratégique qui est tout simplement celle de l’immense fragilité de l’adversaire, celle d’un système arrivé à sa quasi-perfection, et du coup vulnérable à la moindre étincelle. Ils ont réussi à faire de leur propre mort une arme absolue contre un système qui vit de l’exclusion de la mort, dont l’idéal est celui du zéro mort. Tout système à zéro mort est un système à somme nulle. Et tous les moyens de dissuasion et de destruction ne peuvent rien contre un ennemi qui a déjà fait de sa mort une arme contre-offensive. “Qu’importe les bombardements américains ! Nos hommes ont autant envie de mourir que les Américains de vivre !” D’où l’inéquivalence des 7 000 morts infligés d’un seul coup à un système zéro mort.
Ainsi donc, ici, tout se joue sur la mort, non seulement par l’irruption brutale de la mort en direct, en temps réel mais par l’irruption d’une mort bien plus que réelle : symbolique et sacrificielle – c’est-à-dire l’événement absolu et sans appel. »
< 22'12'09 >
De Hopenhague à Flopenhague (l’expression fait florès en ligne), c’est un fiasco sur toute la ligne pour le sommet sur le climat, après douze jours de travaux agités. En lieu et place du Traité de Versailles qui devait, assuraient les plus optimistes, redessiner les enjeux mondiaux, après deux ans de travail sur une déclaration commune, voilà trois petites pages (qui ont nécessité huit brouillons !) d’un accord absolument pas contraignant, signé par une trentaine de pays (dont les « grands », à l’initiative de ce texte, et l’Inde et la Chine...), ignorant l’urgence climatique et méprisant les pays du Sud. A l’ONU comme ailleurs, l’égalité reste un combat.
Certains ne se sont pas privés de le dire : le Premier ministre néo-zélandais qui qualifie la conférence d’« anarchique » et le texte de « révoltant », Lumumba Stanislas Dia-Ping, porte-parole du G77, groupe qui rassemble (quand même) 130 pays en voie de développement, pour qui « cet accord va conduire à une dévastation terrible de l’Afrique et des archipels » et a « la plus basse ambition que l’on pouvait imaginer ». Une position loin d’être isolée, la Bolivie ou le Venezuela l’ont appuyée dans le tumulte de la nuit de samedi. Quant au représentant de Tuvalu, l’un des archipels les plus menacés par le réchauffement, lui comparait l’accord « à une poignée de petite monnaie pour trahir notre peuple et notre avenir ».
Pourtant, ce sommet ultramédiatisé suscitait tous les espoirs, après vingt ans de gesticulations institutionnelles, des beaux principes adoptés à Rio en 1992 au timide protocole de Tokyo de 1995 (entre son adoption par 55 pays et son entrée en vigueur, huit années se sont écoulées). Mais ce qu’on a vu à Copenhague est ce qui fait l’ordinaire de ce genre de rassemblements : une conférence bunkérisée, des pays riches sourds aux problèmes du Sud, des manifestants (et même des délégués) harcelés par la police danoise, voire fuyant sous la cogne, des arrestations massives d’activistes (notamment Tadzio Mueller, de Climate Justice Action, opportunément libéré lundi)… Jusqu’aux ONG proprement virées des débats dans la dernière ligne droite. A l’arrivée, Greenpeace, avec d’autres, s’alarme d’un « désastre » et d’« un recul par rapport à Kyoto », se payant au passage Sarkozy et Obama (lequel rentre aux Etats-Unis paradoxalement auréolé d’un succès) : « Ils se sont crus au G8. »
Un sommet pour rien. Sauf à démontrer une nouvelle fois, après la crise financière, à quel point le système global et la gouvernance onusienne sont à bout de souffle. Car pendant ce temps, rien ne change : ni la montée des eaux qui s’accélère, telle qu’illustrée par Guillaume-en-Egype, le chat pigiste de Poptronics, ni la déforestation qui ne faiblit pas, ni évidemment les émissions de CO2…
Prochaine représentation du Barnum onusien sur le climat : novembre 2010 à Mexico.
< 01'01'10 >
Les vœux de poptronics pour 2010 sont teintés de tristesse. Puisque ce dessin de Guillaume-en-Égypte qui les illustre sera le dernier de notre chat-pigiste. Exceptionnellement, Guillaume nous a écrit :
« Avec ces vœux dépourvus d’illusions (pour les non-anglophones,considering est le point d’ironie qu’on ajoute à un bilan par ailleurs catastrophique (exemple : dans “Asphalt Jungle”, Louis Calhern à Marilyn Monroe qui vient de le balancer aux flics “You did quite well, considering”) s’achève un cycle : celui de ma collaboration à Poptronics. Il faut quitter le bal avant que le bal ne vous quitte, et ma dernière contribution, à propos du désastre de Copenhague, constitue un honorable baisser de rideau.
« Autant l’avouer. Avec ce sommet de l’impuissance et de l’aveuglement, j’ai épuisé ma réserve de fléchettes. Les partager avec l’équipe de Pop aura été un bonheur, mais quand le cœur n’y est plus, inutile de faire semblant. Ma cervelle de chat n’arrive pas à faire tenir ensemble le constat d’échec qui s’appuie sur un calendrier inexorable, et les chances de salut dans une “gouvernance mondiale” qu’aucune utopie ne verrait arriver à temps du fait de ce même calendrier.
« L’humanité devra donc se passer de mes commentaires pour organiser son suicide, et nous les animaux organiser notre survie. Aux humains qui nous diront “mais pauvres bêtes, êtes-vous armées pour faire face au naufrage d’un monde complexe dont vous ne maîtrisez pas les rouages ?” nous répondrons simplement : “Et vous ?” »
Un chat pigiste mégalo, dessiné à la main et citoyen du Net. Le double félin de Chris Marker, Guillaume-en-Egypte, avec ses traits orange et ses bulles drôlissimes, a commenté l'actualité en dessins et collages percutants pour le site poptronics trois années durant. Depuis le lancement sur l’Internet de ce webzine des cultures hacktives jusqu'au 1er janvier 2010, où il fait ses adieux en même temps qu’il présente ses vœux, ayant « épuisé (s)a réserve de fléchettes ».